Dernier jour d'Olivier
Aujourd'hui,
c'est mon dernier jour. Je dois partir dans l'après-midi, alors on a encore
toute la matinée pour faire plein de conneries. Et surtout, depuis notre
premier jour, depuis ce fameux jour où on a vu des gens escalader le pont, on
s'est dit qu'on voulait l'escalader nous aussi, parce qu'on avait des choses à
se prouver.
Se prouver quoi, me direz-vous ? Et pourquoi ? On ne le sait pas nous-mêmes. Sûrement parce qu'on est écervelés, mais c'est pas grave, ce qui est dit est dit, on a des choses à se prouver. On commence notre ascension par le parcours trop fastoche, genre la piste verte, monter sur un pylône pour avoir une belle vue de l'opéra qu'on ne voit bien que depuis le ferry. (Non, on le voit bien d'ailleurs, mais c'est du ferry qu'on prend les meilleures photos. Faut tout lui répéter, après on s'étonne que je radote. Ou du pont, maintenant je le rajoute.) On suit les indications.
Moi, je suis venue en yacht, j'ai laissé Olivier prendre seul une dernière fois le ferry, pour qu'il fasse ses adieux à son incroyable fiancé plein de tics qui vit chez sa mère et qui tue des petits chats. En l'attendant, je prends trop des photos d'art, une fois encore.
Et on ne
nous a pas menti, à peine arrivés un peu plus loin, on l'a, notre vue du
pylône.
Mais où est l'opéra ? Ah mais non, on est bêtes, il faut encore monter.
Arrivés à
l'intérieur du pylône, y a des gens qui se croient au temps jadis. A propos de temps jadis, au temps jadis,
justement, il y avait une vieille folle avec des chats blancs qui tenait une
boutique en haut du pylône. Et les chats blancs étaient très connus de tous.
C'est bête, y en a plus. C'était la minute culturelle, c'était bien, hein ?
On monte encore et ô merveille des merveilles (je ne parle pas de moi, mais de la vue).
Ouh, la dernière, elle me fait mal à la tête. Elle m'a d'ailleurs déjà fait mal à la tête quand je l'ai prise. Oups. Remise d'aplomb, ça donne ça. Et d'autres, c'est joli, la baie !
Comme d'hab, on fait des autoportraits ratés. Mais pas si ratés que ça ! Au contraire, je trouve qu'on s'améliore très nettement.
Alors, on la fait cette ascension du pont pour se prouver des choses ? Surtout que de là où on est, on les voit bien, les gens qui ont des choses à se prouver et qui sont trop des balèzes. Nous aussi, on veut être les rois du monde.
Mais a-t-on besoin de ça pour être les rois du monde ? Oh pis non, on préfère aller manger des frites. Après tout, comme je sais que je vais mal manger dans l'avion, je préfère manger équilibré avant de partir. La seule chose que ça m'a prouvé, c'est que ça coûtait au moins le prix de trois robes, si ce n'est quatre, de faire ces acrobaties, alors faut pas déconner non plus. Mais en redescendant, on prend le temps de lire l'histoire de la construction du pont parce qu'on veut se cultiver, même si on n'en a pas vraiment besoin. Ceux qui l'ont construit, c'était pas des lopettes.
Et au détour
des explications, tiens ils parlent de moi, allez savoir pourquoi… Sûrement
parce que le pont ne tient pas la comparaison.
(Il est delusional, comment on
dit en français ?) Et puis
dans une vitrine, je vois la même boîte de compas que j'avais quand j'allais à
l'école. Blandine l'avait aussi, mais elle me dit qu'elle la tenait de son
père. Comment je dois le prendre ? Mal.
Tu es une antiquité, il faut t'y faire.
Après ne nous être rien prouvé du tout, on refait une balade dans les Rocks, parce qu'on vous avait promis une photo de notre futur métier. En revanche, pour les grenouilles, ça craint, j'ai trouvé la orange, mais pas la vert pomme, c'est la rupture de stock, je reviendrai plus tard, mais il n'en reste que des marron pour l'instant… Alors chose promise… La voilà, la photo du futur métier de Blandine : serveuse dans une brasserie allemande.
Ce sera trop le bonheur. Mieux que
dame pipi au Star City. J'ai d'ailleurs déjà postulé, j'attends la réponse en
croisant les doigts. J'ai demandé une robe noire et un tablier turquoise.
Les serveurs
aussi ont un beau costume, mais malheureusement, on n'en voit pas. Blandine
postera la photo si elle repasse dans le coin (mais elle y repassera, j'en suis
sûr ! Ce qu'elle ferait pas pour voir des hommes en peau de bête…) D'ailleurs,
je suis sûr que ce costume m'irait à merveille. Inutile de dire que si je
portais ce costume ET la perruque, il y aurait des émeutes. Ça serait trop de
bonheur d'un seul coup. Et après, je suis allé m'acheter des frites, et puis
retour à la maison avec le ferry (Blandine a vu plein de mecs qui pourraient
lui plaire s'ils n'étaient pas trop ceci ou pas assez cela… comme par hasard…
moi qui voulais la caser, elle va se caser toute seule). Pas ma faute s'ils sont pas beaux, les Australiens, un peu porcinets
sur les bords (surtout du nez et du teint), tatoués pour la plupart, trapus,
râblés, pas beaux.
Personne n'imagine à quel point
la photo ci-dessus est précieuse. Si ! Il y a le prince William dessus.
Parfaitement ! On a vu plein d'hélicoptères sillonner le ciel ce matin-là, et
j'ai appris grâce à la merveilleuse télévision australienne qui n'a rien à envier
à la nôtre que le prince Willie (sic) était à Sydney et qu'il avait déjeuné là.
Ça faisait même l'ouverture du journal comme la chose la plus importante au
monde. Alors cherchez bien, mais il est sur la photo, c'est pas ma faute si
vous n'avez pas de bons yeux.
Ensuite,
Blandine m'a conduit à l'aéroport. Sniff, fini les vacances.
Olivier a eu besoin de mes
lumières pour remplir le papier du départ. Il l'a fait avec une grande
application pendant que je buvais mon jus de fruits qui me fait des points sur
ma carte de fidélité. D'ailleurs, j'ai l'impression qu'ils m'arnaquent, je les
ai largement bus, mes dix jus.
Et je suis rentrée toute seule à
la maison. Le chat est neurasthénique, il fait la grève de la faim et erre dans
la maison en miaulant silencieusement. (Je comprends, je m'en occupais tellement bien. Il le cherche
partout, son papa de substitution. Non, je ne suis pas gaga.) Les cafards, eux, sont à la fête, et ça,
c'est pas drôle. Moi, je pleure tous les jours. De chagrin ? De joie ? Laissons
le doute planer.